Des patates, des livres et du caviar*

À l'heure où l'on parle argent à tous vents, finances, dettes, capitaux, ressources, crise et campagne obligent, j'apprécie de trouver un peu d'humanité, souriante ou cynique, humaine quoi, dans les textes les plus obscurs que l'administration fiscale produit en quantité industrielle.
Maintenant que les instructions de la Direction générale des Finances publiques font la chair de ma pitance quotidienne, je me surprends à m'absorber dans leur lecture avec gourmandise, m'émerveillant des sophistications de leurs ingrédients et de la complexité de leurs recettes.
Une lecture à l'actualité toute fraîche qui concerne les taux réduits de TVA à 5,5 et 7 % m'aura même valu un authentique fou rire devant l'inventaire des produits alimentaires destinés à la consommation immédiate et donc sujets à un rehaussement de 1,5 point : raffinements de l'assaisonnement (7 %), ou pas (5,5 %), des salades salées (?) agrémentées de fourchettes, ou pas, des plateaux de fruits de mer disponibles à la livraison (5,5%) sauf à ce qu'il y ait des coquillages ouverts (7 %), des sushis pizzas kebabs (sic, toujours cités de conserve, le législateur ayant la documentation consistante et se tenant à jour des pratiques alimentaires de l'homme de la rue).
Il se trouve dans ce document officiel et définitif des rubriques entières d'items alimentaires divers, crus ou transformés, dont la taxation tient parfois à une épluchure de patate au détour d'une note de bas de page.
Je n'ai pas bien compris pourquoi le caviar s'invitait, entre margarines végétales et dispositifs médicaux, dans une liste de produits réservés dont l'importation qui est aujourd'hui sujette à 5,5 % ne sera pas revalorisée à 7. J'ai bien idée mais bon, je ne voudrais pas être taxée (huhu) de populisme.


Et je déplore une fois de plus que le livre soit considéré comme un produit tellement périssable qu'il faille l'imposer à 7 % ; on n'aura même pas pris la peine de pousser la porte des librairies pour tâter de près les livres avec ou sans blister, goûter les romans indigestes ou la chick lit', les daubes roboratives et les gift books qui jouent les confiseries et les chewing-gums à côté des caisses, les poches à emporter et les coffee table books.
Sans parler des romans cosmopolites d'importation.
J'aimerais vérifier du côté du Bulletin officiel des Douanes s'il s'écrit quelque chose à propos des auteurs à déclaration obligatoire, entre réacteurs ou engins électromécaniques destinés à l'aviation et musc ou graisse de laine (tout ceci est authentiquement extrait d'une instruction des douanes ou de la DGCCRF**, je ne sais plus).









*moi aussi, je vais quérir des signatures et briguer la suprême mandature ; j'ai trouvé mon slogan de campagne, je vais travailler ma profession de foi !
** Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

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